Dioxyde de titane et cosmétiques, d’où vient la controverse ?

On fait le point…

Le dioxyde de titane, qu’est ce que c’est exactement ?

Dans la nature, le dioxyde de titane est présent sous la forme de rutile, un minéral tétragonal. On retrouve le dioxyde de titane (TiO2) dans de nombreuses applications (additif alimentaire, cosmétiques, pigments), notamment pour ses propriétés d’absorption des rayons ultraviolets et son caractère colorant blanc (additif alimentaire). Il est utilisé dans le secteur alimentaire (colorant), cosmétiques (filtre UV) ou les peintures (colorant, pigment); par exemple.

Dans les cosmétiques, ce composant est généralement utilisé en tant que filtre minéral pour sa capacité à réfléchir, disperser et absorber les rayons ultra-violets (UV). Il s’agit d’un composant qui utilisé dans différents produits cosmétiques (conventionnels OU bio), il est donc également autorisé par les différents cahiers des charges en cosmétique naturelle et bio (BDIH, NaTrue, Ecocert, Cosmébio, Soil Association, ICEA,etc). 

Son utilisation en cosmétique naturelle et bio est donc tout à fait répandue, le dioxyde de titane étant principalement utilisé comme filtre minéral dans les produits solaires ou pigment dans les produits de maquillage

C’est l’une des seules alternatives (avec l’oxyde de zinc) aux filtres UV de synthèse, pour la plupart très controversés, classés perturbateurs endocriniens, etc….

D’où vient la controverse, alors ?

La méfiance envers le composant vient du fait que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) ait classé le dioxyde de titane parmi les composants potentiellement cancérogènes pour l’homme (catégorie 2 B).  Comme toujours, les études scientifiques doivent être interprétées dans leur contexte et il est important de ne pas en tirer des conclusions hâtives ou généralistes. 

En effet, l’étude du CIRC évoque un risque cancérogène du dioxyde de titane sous forme de poussières inhalées par les poumons (sous forme aérienne, en suspension). L’inhalation intensive de dioxyde de titane type « poudre libre » peut donc poser problème et nécessite des mesures de protection, notamment pour les travailleurs exposés aux fines particules de ce composant. 

Et cette problématique d’inhalation massive de particules fines qui peut poser des problèmes de santé importants concerne non seulement ce composant, mais aussi d’autres composants susceptibles d’être inhalés à grande échelle dans un contexte professionnel (comme par exemple le charbon, laines minérales, graphite, etc, etc, etc )

Et le dioxyde de titane en tant qu’additif alimentaire ?

Il s’agit d’une thématique liée à l’ingestion de dioxyde de titane (en tant qu’additif alimentaire; E 171) sous forme de nanoparticules, qui peut s’avérer problématique sur le long terme.

Ce qui pose donc problème c’est l’absorption de ce composant sous forme de nanoparticules, dans les bonbons, par exemple. Une étude, celle de l’INRA de 2017 p.e. porte sur le dioxyde de titane en tant qu’additif alimentaire E171/ (=nanoparticules), très présent dans les confiseries, etc.

Update 2021 : L’EFSA considère que le dioxyde de titane n’est plus considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire:

 

Est-ce qu’il faut donc systématiquement éviter toute crème contenant du dioxyde de titane ?

L’application cutanée de crèmes contenant du dioxyde de titane, quant à elle, n’est pas mise en cause par ces études, il est important de faire la distinction entre les différents contextes d’utilisation. 

Certaines préconisations se portent également sur les produits solaires sous formes de sprays, contenant du dioxyde de titane. Il faudrait là également différencier davantage, car il ne s’agit pas d’un «spray solaire de dioxyde de titane», mais d’une formulation de crème sous forme de spray qui contient également ce filtre minéral.

La plupart des dioxydes de titane actuellement utilisés en cosmétique ont d’ailleurs également subi un traitement de surface qui consiste à enrober chaque grain d’oxyde de couches de composés organiques (polyols, esters, etc.) ou inorganiques (alumine, silice, etc.). Cette étape le rend stable, non volatile et non assimilable par le corps.

Précision et mise à jour 2019/2020

Le 4 octobre 2019, la Commission européenne a adopté le 14ème ATP du règlement CLP. Ce texte comprend notamment la classification harmonisée du dioxyde de titane et prévoit une classification CMR Carcinogène de catégorie 2, par inhalation.
Des précautions d’emplois et des notes sont ajoutées concernant la classification du dioxyde de titane, notamment « sous forme de poudre contenant 1 % ou plus de dioxyde de titane qui se présente sous la forme de particules ou qui est incorporé dans des particules ayant un diamètre aérodynamique ≤ 10 µm ». La classification finale en CMR sera ensuite reprise par un règlement omnibus pour définir son application en cosmétique. Potentiellement, l’utilisation du dioxyde de titane dans un produit ayant des applications pouvant conduire à l’exposition des poumons de l’utilisateur final par inhalation pourrait être exclue.

Tous les produits solaires (bio ou conventionnels) contenant du dioxyde de titane sont donc concernés par cette problématique ?

Récapitulons : ce qui pose problème, c’est l’inhalation massive de poussières de dioxyde de titane, son ingestion en tant qu’additif alimentaire et non sa simple présence dans une formulation de crème.

➡️ Ce qui peut poser problème également, c’est la présence de dioxyde de titane dans des dentifrices ou rouges à lèvres, par exemple, car les produits appliqués sur la bouche (ou utilisés pour se brosser les dents) sont partiellement ingérés.

Ce qui pourrait éventuellement poser problème aussi, c’est la présence de ce composant sous forme de nanoparticules dans les crèmes, sans problème pour la peau saine (étude EU NanoDerm*), d’autres études se penchent sur la problématique que des produits contenant des nanoparticules pourraient avoir sur les peaux endommagées, mais selon les dernières études il semblerait que la barrière de protection reste intacte et que les substances ne dépassent pas l’épiderme. Affaire à suivre…

Mais la présence de dioxyde de titane dans un produit cosmétique ne veut pas dire «inhalation massive de poussières fines», ni automatiquement dire que ce composant est présent sous forme de «nanoparticules».

credit photo : Unsplash.Joshua.Hoehne

Précision 2018  :

En début d’année l’association de consommateurs QUE CHOISIR avait déposé plainte contre neuf groupes agro-alimentaires et cosmétiques pour n’avoir pas mentionné sur la présence de nanoparticules dans des confiseries, dentifrice ou encore déodorant.  L’association de consommateur Que Choisir avait révélé que des produits alimentaires ou cosmétiques contenaient des nanoparticules, alors que l’emballage ne les mentionnaient pas.  Là, où les dossiers peuvent se compliquer, c’est que la question de la détection des nanoparticules est très complexe et les méthodes d’analyse loin d’être uniformes ou homogènes*. 
 

Présent sous forme de poudre libre, composant minéral incorporé ou additif alimentaire ? 

*******
Il est néanmoins important de faire la distinction entre le dioxyde de titane ingéré sous forme de nanoparticules en tant qu’additif alimentaire, le dioxyde de titane inhalée sous forme de « poudre libre » (ce qui concernait plutôt le secteur industriel), le dioxyde de titane dans le domaine médical, et le dioxyde de titane en tant que minéral incorporé dans des crèmes ou autres cosmétiques. En ce qui concerne la thématique des nanoparticules dans les solaires je vous invite à lire l’article suivant, qui évoque également la question ci-dessous: 

Idée reçue  : Les produits solaires bio contiennent tous des « nanoparticules » de filtres minéraux.

Faux ! 

Les produits solaires bio contiennent des écrans minéraux (dioxyde de titane et oxyde de zinc) micronisés, parfois enrobés, mais  micronisés ne veut pas dire «nanoparticules»

Les nanoparticules sont définies comme des éléments dont la taille se situe sur une échelle de 1 à 100 nm. Depuis 2013, la législation prévoit que les composants utilisés sous forme de «nanoparticules» doivent être déclarés avec le symbole (Nano). L’obligation de déclaration sur l’emballage rend l’identification plus facile.

Petit rappel : les solaires bio contiennent uniquement des filtres UV minéraux, les produits conventionnels principalement des filtres UV de synthèse chimiques ou parfois un mélange entre des filtres de synthèse et des filtres minéraux.

A notre connaissance et après avoir regardé de plus près de nombreux produits solaires, ce sont essentiellement les marques conventionnelles qui utilisent des filtres minéraux sous forme nanoparticules. Nous n’avons trouvé que quelques marques certifiées bio  qui indiqueraient la présence de nanoparticules et qui devront sans doute revoir leur formules en fonction des directives à venir des différents cahiers de charges en cosmétique naturelle et bio. Il suffit de regarder de plus près la liste des ingrédients sur l’emballage, -surtout dans la catégorie les produits « conventionnels » avec indice de protection plus élevé-, qui utilisent parfois un mélange de filtres UV de synthèse et de filtres minéraux sous formes de nanoparticules. Ces filtres UV micronisés sous forme nano seront indiqués dans la liste INCI comme par exemple le METHYLENE BIS-BENZOTRIAZOLYL TETRAMETHYLBUTYLPHENOL [nano] ou le Titanium dioxide [nano].

Sans rentrer dans un débat plus approfondi sur la problématique des nanoparticules dans les cosmétiques, il faut savoir que les différents cahiers de charges en cosmétique naturelle et bio (Cosmos, Natrue, Ecocert, BDIH, Soil Association, etc) sont en train de statuer et de se prononcer à leur sujet. La réglementation au sujet des composants évolue régulièrement, le processus d’évaluation des risques est un travail en continu, qui doit accompagner l’évolution du niveau des connaissances et des études scientifiques récentes.

*****

En ce qui concerne l’utilisation du dioxyde de titane de manière générale (hors contexte nano) dans les produits de cosmétique naturelle et bio certifiés, certains labels préconisent, dans ce contexte d’incertitude de remplacer ce composant par une alternative, lors ce qu’elle existe, comme le précise par exemple Cosmébio*. Le label précise par ailleurs à juste titre que « si le dioxyde de titane venait à être interdit par le label …. cela signifierait également qu’il y aurait plus du tout de références en matière de maquillage et de produits de protection solaire ».

 

****

Précisions : l’article date de 2017, mais est régulièrement mise à jour avec de nouvelles données.