Vernis à ongles conventionnel, naturel, vegan ou même « bio »… Et si on regardait de plus près sous cette couche de vernis ?

août 2016

Suite à un article au sujet des « Vernis Bio » paru dans l’Express le mois dernier*, voici quelques questions abordées lors de l’entretien avec la journaliste :

Quelles sont les substances chimiques dominantes dans un vernis à ongles classique ?

L’odeur prégnante lors de l’application du vernis à ongles classique ou «conventionnel» vous donne une indication claire; ils sont composés d’environ 70 % de solvants, de résines, de pigments et d’autres composants chimiques qui peuvent poser problème.
Les attentes des consommateurs envers les vernis sont aussi élevés : les formules doivent rester liquides dans le flacon…mais se durcir à l’application, elles doivent sécher rapidement… être disponibles en teintes mattes ou brillantes, ne pas s’effriter et tenir …le plus longtemps possible.
La plupart des fabricants y répondent en formulant des vernis avec des composants chimiques -certes autorisés par la législation des cosmétiques-, mais qui sont problématiques à plusieurs niveaux. Celui des réactions allergiques, par exemple. Selon une étude de 2010 du Professeur Hausen du centre dermatologique de l’hôpital de Buxtehude*, en Allemagne, beaucoup de réactions allergiques et d’eczémas du visage seraient également provoqués par les composants controversés des vernis, aussi surprenant que cela puisse paraître. Cela serait surtout dû au fait que les mains touchent en permanence le visage.
Aux Etats-Unis, plusieurs études ont constaté que les personnes qui travaillaient par exemple quotidiennement avec des vernis et d’autres produits pour les ongles dans des salons de beauté spécialisés « ongleries » s’exposaient à des risques importants pour leur santé, liés surtout à la surexposition aux solvants : irritations cutanées, réactions allergiques, maux de tête, problèmes respiratoires, problèmes neurologiques, risques lors de la grossesse etc**….

http://dgk.de/gesundheit/allergie-haut/allergien/tipps-fuer-den-alltag/kuenstliche-naegel-und-allergien.html
** http://www.scientificamerican.com/article/these-4-chemicals-may-pose-the-most-risk-for-nail-salon-workers/

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Quelles sont leurs effets sur notre santé ? (allergisants, perturbateurs endocriniens, cancérigènes…)

Parmi les principaux composants chimiques problématiques et controversés que l’on peut retrouver dans les vernis, il y a les suivants :

* Le toluène : un solvant, composant polluant, irritant pour la peau, les yeux et le système respiratoire. Son l’utilisation dans les cosmétiques est limitée à 25% du produit fini. Il peut provoquer des allergies et devenir réellement problématique pour la santé lors d’expositions importantes, ou sur le long terme. (irritant, potentiel réprotoxique et mutagène, sensibilisant)
* Les phthalates sont principalement utilisés dans les produits pour les ongles en tant que solvants et plastifiants, empêchant les vernis de craqueler. Certains phtalates comme le Dibutyl Phthalate (DBP) ne sont en principe plus autorisés en tant que composants dans la réglementation des cosmétiques européenne, car suspectés d’être des perturbateurs endocriniens*.
* Le formaldéhyde est présent dans les vernis en tant que durcisseur de matière. Il peut provoquer des allergies, des irritations de la peau, des yeux, des voies respiratoires. C’est un composant qui est par ailleurs classé cancérogène au niveau européen.
* Le camphre, est un assouplissant qui rend la texture du vernis plus malléable. En forte concentration, ce composant peut provoquer nausées et maux de têtes. Même si on le retrouve en quantité minime dans les vernis, il s’ajoute à ce « cocktail » de composants chimiques problématiques.
* La colophane est une résine qui peut provoquer des réactions allergiques et symptômes asthmatiques.

*Le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 (refonte de la directive 76/768/CEE) interdit l’utilisation dans les produits cosmétiques de substances classées CMR de catégorie 1 ou 2 (parmi lesquelles le (DEHP) phtalate de di-2-éthylhexyle, le phtalate de dibutyle(DBP), et le phtalate de bi-2-méthoxyéthyle (DMEP).

 
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Et d’un point de vue écologique, en quoi posent-elles problème ?

Etant donné que la plupart des vernis conventionnels sont majoritairement composés de solvants, le fait de remplacer ces solvants par d’autres composants principaux à faible impact écologique (eau, gomme laque…) ferait sens. Les produits à base de solvants comportent également des risques liés à la haute inflammabilité, que ce soit au niveau domestique, professionnel ou industriel

 

 
Pourquoi faire des vernis plus naturels est-il si compliqué ?

 
Des vernis de toutes les couleurs qui peuvent concurrencer avec tous les aspects des produits conventionnels,…du mascara «waterproof»… du rouge à lèvres qui résiste à tous les baisers… Il reste quelques défis à réaliser pour les fabricants de cosmétiques naturels et bio certifiés. Mais les fabricants qui veulent par exemple faire certifier leurs produits en tant que cosmétiques naturels et bio sont aussi tout simplement restreints par des cahiers des charges stricts, qui interdisent justement les composants chimiques problématiques… qui sont parfois si efficaces. Comme par exemple les silicones pour le mascara waterproof, les fixateurs et révélateurs pour obtenir toutes sortes de colorations pour les cheveux et…. les solvants et certains colorants flashy pour les vernis.

Mais certains fabricants de cosmétique naturelle et bio investissent en recherche et développement pour pousser les limites toujours plus loin et peut être pouvoir proposer demain des vernis comparables ou identiques aux produits conventionnels.
Depuis peu les premières marques certifiées ont fait leur apparition sur le marché :  Provida avec son vernis certifié (incolore) et Logona avec sa petite gamme de vernis, premiers vernis colorés certifiés BDIH et Natrue.
D’autres marques avaient déjà sorti des vernis certifiés en 2011, qui ont malheureusement été retirés assez rapidement du marché après les retours négatifs d’utilisatrices peu satisfaites.

Ensuite, le consommateur a toujours son rôle à jouer…

Les consommateurs sont-ils prêt à accepter certaines limites, comme c’est par exemple le cas pour les colorations pour cheveux véritablement  naturelles qui ne peuvent pas éclaircir de manière naturelle les cheveux ?
D’opter pour un mascara, sans silicones, mais qui ne serait pas waterproof  ?
Le consommateur est-il prêt à attendre que ces défis soient relevés, ou préfère-il opter pour son confort d’utilisation… là tout de suite ?

Il est sûr que certains fabricants sérieux de cosmétique naturelle et bio se penchent sur la question et investissent dans la recherche pour développer des produits innovants, mais en fonction des challenges techniques de formulation cela peut prendre un peu de temps, voir des années.
Le consommateur aura toujours le choix entre des produits 100% naturels qui correspondent peut être… ou peut être pas à toutes ses attentes ou des produits moins naturels, qui correspondant à 100% des attentes, mais qui contiennent toujours des composants problématiques.
Ce qui est certain, c’est que l’offre des alternatives s’élargit d’année en année, que les consommateurs se renseignent davantage sur les composants des produits cosmétiques et exigent plus de transparence sur la problématique de certaines compositions.

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Est-ce que les vernis naturels (les fameux 3-free, 4-free, 4-free, 6-free, 7-free, 8-free) qui sont désormais sur le marché (Kure Bazaar, Une, Avril etc.) sont pour vous satisfaisants ? Pourquoi ?

Tout ce va dans le sens de « moins de composants problématiques » est salutaire. Ensuite il faudra néanmoins veiller à ne pas trop simplifier le débat. Un vernis « 3/4/5…… free » n’est pas forcément un vernis « naturel » -encore moins un vernis qui pourrait être qualifié de « bio ».
C’est un vernis moins problématique dans le sens où il contient moins de substances chimiques controversés- et forcément moins il y en a, mieux c’est…Même constat pour la certification « vegan » : les vernis peuvent tout à fait être « certifiés végan » (ce qui ne veut pas automatiquement dire « bio ») et avoir une composition « classique »; plus ou moins naturelle ou à base de composants controversés.
Un vernis véritablement naturel serait dans ma définition un vernis formulé bien sûr sans solvants ou sans aucune des autres substances problématiques, – mais de préférence certifié en cosmétique naturelle et bio pour avoir le maximum des garanties.

 
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http://www.lexpress.fr/styles/beaute/vernis-a-ongles-le-bio-une-utopie_1814709.html

Quelques précisions au sujet de l’article paru dans l’Express :

  •  Il existe bien déjà sur le marché des vernis en cosmétiques naturelle et bio certifiés, ceux de Logona, certifiés BDIH : http://www.logona.de/fr/produits/maquillage/ongles/
  •  La garantie « Ecocert » cité par Mlle Ambroise est un label de cosmétique naturelle et bio parmi d’autres (Natrue, Bdih, Cosmébio, Soi Association (UK), etc) et ne peut pas être considéré comme la seule référence.
  • Dans un vernis à ongles, le « taux bio » ne peut pas être un argument clé : une huile corps ou visage peut par exemple être 100% bio, dès que l’on passe à des formulations plus complexes (crèmes, émulsions, etc) le taux bio ne fait plus sens, car des composants naturels, mais pas bio (Bio = issu de l’agriculture biologique) rentrent dans la composition: de l’eau, des émulsifiants, des composants minéraux, etc, etc etc.
    Pour les vernis, on remplacera par exemple la partie principale le solvant par de l’eau (vernis à eau) ou de la gomme shellac, qui sont des composants naturels, mais pas bio.

Parmi les produits de maquillage bio certifiés par exemple on trouve des poudres minérales pour le visage, qui ne peuvent pas être considérés « bio », car elles ne proviennent pas de l’agriculture bio.
Par contre s’il s’agit de produits certifiés en cosmétique naturelle et bio, ces produits sont toujours exempts de composants controversés, problématiques et polluants, c’est le tronc commun des différents cahiers des charges en cosmétique bio.

 

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