août 2018
La marque ENERGIE FRUIT fait partie de ces jeunes marques qui s’affichent avec des valeurs de «made in France», avec des formules affichées comme «minimalistes», « sans phenoxyéthanol, silicones et parabens »
Le tout avec une présentation pétillante, un nom de marque qui évoque les fruits et un univers résolument «Girly».
Ainsi on peut par exemple lire sur le flacon d’un gel douche :
« Energie Fruit, c’est l’histoire de 2 super amies qui ont décidé de révolutionner l’instant beauté en créant des produits de leurs rêves ! Des pépites de beauté innovantes, saines et efficaces, aux formules magiques concoctées avec une équipe de choc.(….) Fabriqué en Provence. »
Donc au premier coup d’oeil, on pourrait croire qu’il s’agit de « cosmétique naturelle » à la formulation «très propre, purement naturelle» qui intègre des composants bio avec une gamme qui propose également quelques produits certifiés bio.
Jusqu’ici plutôt rassurant comme discours, allons jeter un coup d’oeil derrière les coulisses en analysant la composition d’un gel douche, par exemple..
ENERGIE FRUIT
Gel Douche Hydratant
Fruit de la passion et Huile d’argan bio
500 ml, prix : 4,30 €
Voici le descriptif du produit sur le site de la marque Energie Fruit :
« Fruit de la passion l’exotique ! L’été, une plage, le soleil qui se couche sur une mer turquoise… Évadez-vous chaque jour avec notre gel douche et bain moussant au parfum des îles.
Formule testée dermatologiquement et composée de 94% d’ingrédients d’origine naturelle, fabriquée en Provence. 0% parabens, silicones, pH neutre. »
La mention sur le flacon précise par ailleurs :
* 0% Phenoxyethanol, parabens, phtalates.
Sur son site la marque affiche par ailleurs des mentions très rassurantes :
- Testé sur les copines, et non sur les animaux
- Ingrédients d’origine naturelle
- Testé dermatologiquement/ 0% parabens, ph neutre
La marque Energie Fruit se vante par ailleurs d’être « la première marque Vegan approuvée par PETA en GMS (grande distribution)»
Quelques produits sont également certifiés bio (Cosmébio), mais ce n’est qu’une partie minoritaire de l’offre.
Parfois cela peut créer la confusion chez les consommateurs qui ont tendance à croire que l’ensemble de la marque serait formulée de la même manière.
L’analyse de la liste des composants peut s’avérer utile pour les produits qui ne sont pas certifiés.
Allons vérifier de plus près la formulation du produit qui nous intéresse :
Ingrédients/ INCI:
Aqua (Water), Sodium Laureth Sulfate, Cocamidopropyl, Sodium Chloride, Argania Spinosa*, Capryl Glucoside, Glycerin, Parfum (Fragrance), Sodium Benzoate, Citric Acid, Potassium Sorbate, Limonene, Chlorphenesin, Linalool, Geraniol, Styrene/Acrylates Copolymer, CI17200, CI15510, Sodium Hydroxide
* issu de l’agriculture biologique
Analyse des composants :
Comme toujours, ce sont les 5-8 premiers composants qui constituent majoritairement le « profil » du produit.
De manière générale, un produit de type shampooing ou gel douche est constitué d’environ 70% d’eau, (voir plus) viennent ensuite des bases lavantes (environ 20%) et puis le reste, des composants annexes (additifs, extraits de plantes, etc).
En ce qui concerne les gels douches, (ou même les shampooings par exemple), ce qui est donc primordial, c’est le choix des bases lavantes (aussi appelés tensioactifs) qui peuvent être soit très douces, -bien tolérés par la peau-, ou plutôt irritantes et/ou problématiques pour l’environnement.
La formulation se compose ici d’un mélange d’un tensioactif irritant le Sodium Laureth Sulfate (1ère position), présent en plus grande quantité, associé et adouci par des tensioactifs plus doux comme le Cocamidopropyl Betaine (2ème) et le Capryl Glucoside (5ème).
L’avantage de ce genre de formulation pour les fabricants, c’est que le tensioactif principal, le Sodium Laureth Sulfate, -faisant parti des tensioactifs les plus irritants-, est aussi parmi les tensioactifs les moins chers.
Le Sodium Laureth Sulfate (aussi appelé SLS) fait partie des tensioactifs de synthèse, issus de la pétrochimie, qui sont susceptibles de provoquer des irritations et réactions cutanées, raison pour laquelle ils sont généralement mélangés à des tensioactifs plus doux.
Ces tensioactifs de synthèse sont par ailleurs des polluants importants, ils sont peu ou mal biodégradables et libèrent en se décomposant des composés chimiques.
Les bases lavantes les plus douces, les mieux tolérées par la peau, -les « acylglutamates » à base de sucre-, sont aussi les plus chères (prix jusqu’à 10 fois plus élevé que les tensioactifs issu de pétrochimie)
Raison pour laquelle on trouve très peu de produits formulés « exclusivement » avec ces bases lavantes conçus à partir de matières premières végétales (sucres, acides aminés, coprah, colza, …) .
Mais d’autres substances problématiques et controversées se sont également glissées dans la formule :
- Le conservateur de synthèse Chlorphenesin, substance organo-halogénée qui peut provoquer des effets allergisants et problématique car susceptible de s’accumuler dans l’organisme. Problématique environnementale également, car substance polluante.
- Les colorants CI17200, CI15510, colorants chimiques qui font partie des colorants azoïques, qui se révèlent problématiques sur le plan toxicologique, car allergisants; certains colorants azoïques sont aussi classés cancérigènes.
Comment justifier alors la mention « 95% d’ingrédients d’origine naturelle » ?
Quelle garantie apporte cette mention sur le gel douche Energie Fruit ?
La mention sur le produit ne correspond pas réellement à un label ou une certification officielle,- ce qui serait différent si le produit était rattaché à une «certification officielle» de cosmétiques naturelle et bio, comme par ex. Ecocert où l’on fait la distinction claire entre «ingrédients naturels » ET « ingrédients d’origine naturelle », comme suit :
Les ingrédients naturels : issus de la nature végétale, animale ou minérale, obtenus par des procédés physiques d’extraction sans «transformation chimique » des constituants.
Cela concerne par ex. les extraits végétaux obtenus par extraction etc
Les ingrédients « d’origine naturelle » sont issus de transformations chimiques
(il s’agit là d’une liste restrictive de procédés chimiques : hydrolyse, réactions enzymatiques, liste de procédés qui peut également très légèrement varier d’une certification à une autre…).
Cela concerne par ex. : des émulsionnants dérivés du glucose, des gélifiants d’origine végétale etc ….
Bref, un consommateur non averti, qui ne connait pas toutes ces distinctions, aurait sans doute tendance à interpréter les 95% d’ingrédients d’origine naturelle = 95 % de composants naturels, (voir même 95 % de composants végétaux !) alors qu’il s’agit ici surtout d’eau et de tensioactifs.
Et que l’eau et forcément naturelle et que l’importance se joue plutôt du coté des bases lavantes (voir explication plus haut)
Verdict :
Dans la catégorie «substances problématiques et controversées» on retrouve : un tensioactif principal irritant et polluant, un conservateur de synthèse controversé et des colorants loin d’être purement naturels. Et le % « d’ingrédients d’origine naturelle » affiché ne fait plus vraiment sens, non plus.
Par ailleurs se soucier des animaux avec les garanties des labels « Vegan » etPETA, c’est très bien, mais éviter des composants qui ont un effet néfaste sur l’environnement serait encore mieux, car les animaux sont de nos jours aussi les premières victimes immédiates de la pollution et du réchauffement climatique.
Et du coup même l’huile d’argan bio ne sauve pas vraiment la mise, vu la formulation globale. Pas très brillant dans son ensemble…. on demanderait bien aux copines en Provence de revoir leur copie.
Note ; cet article date de 2018
Les compositions des produits peuvent changer, même une gamme entière peut changer d’orientation d’une année à l’autre et choisir de supprimer ou de rajouter certains composants ou même produits, par exemple. Aucun site ou magazine de consommateur actualise en permanence ces changements, ce serait un travail gigantesque, à faire en continu. Et les articles ne sont pas supprimés à la simple demande des fabricants qui expliqueraient que les formules aient changé de formulation depuis la parution du test. Le test produit reflète par contre «l’image exacte du moment», les tests sont clairement datés.