Temps de lecture : long… mais instructif
Les perturbateurs endocriniens c’est quoi, au juste ? Et comment les éviter, au final ?
Quelques explications de base : le système endocrinien et les perturbateurs endocriniens
Ce que l’on appelle le « système endocrinien », c’est le système du corps humain qui regroupe l’ensemble des organes et tissus sécrétant des hormones. Notre santé dépend également du bon fonctionnement de ce système endocrinien. Ce système est composé de plusieurs organes appelées glandes (composées de cellules endocrines), qui produisent des hormones et les libèrent ensuite dans le sang. Ces hormones jouent un véritable rôle de « messager chimique », en diffusant dans tout l’organisme. Et les perturbateurs endocriniens vont venir interférer dans cet équilibre si précieux.
Au sommaire
ToggleLe rôle des hormones
Les hormones ont des fonctions essentielles et variées ; elles stimulent la croissance et le développement, régulent les pulsions et les humeurs, contrôlent les grandes constantes physiologiques (ex. température corporelle, taux de glycémie, pression artérielle). Ce qui signifie aussi que l’équilibre de notre organisme ou notre santé dans sa globalité peut être fortement impacté, si ce système est perturbé ou altéré.
Et les perturbateurs endocriniens, alors ?
Les perturbateurs endocriniens sont d’origine parfois naturelle (hormones et phyto-ostrogènes) et souvent artificielle, c’est-à-dire contenus dans certains produits issus de l’industrie chimique ou de nombreux objets du quotidien (ex. cosmétiques, pesticides, détergents, matières plastiques, ameublements médicaments, textiles, etc).
Et leur impact sur la santé ? Quel danger ?
Les perturbateurs endocriniens peuvent impacter la santé sur plusieurs niveaux, par exemple en:
- modifiant la production naturelle de nos hormones naturelles (œstrogènes, testostérone) en interférant avec leurs mécanismes de synthèse, de transport, ou d’excrétion.
- en mimant l’action de ces hormones en se substituant à elles (on parle aussi parfois de «hormone-like» dans les processus biologiques qu’elles contrôlent)
- en bloquant ou empêchant l’action de ces hormones, en se fixant sur les récepteurs avec lesquels elles interagissent habituellement
Problématiques de santé
Et toutes ces interférences hormonales peuvent tôt ou tard être rapprochées de problèmes de santé importants*, comme par exemple (*même si ces maladies sont souvent multi-factorielles, bien entendu) :
- des cancers hormono-dépendants
- des problématiques d’infertilité
- des malformations génitales à la naissance**
- autres maladies type diabète/ obésité… etc
**notamment la conclusion des travaux du Professeur Sultan :
Ce qui poserait problème également, c’est que les perturbateurs endocriniens seraient problématiques et actifs même à faible dose, selon certaines études* :
« La faible dose d’exposition. Habituellement, en dessous d’un certain niveau d’exposition, les mécanismes de défense de l’organisme permettent d’éviter l’apparition d’effets sanitaires. On parle alors d’effet de seuil. Pour certaines substances dangereuses comme des molécules cancérigènes, on observe qu’il n’y a parfois pas d’effet de seuil, au moins à l’échelle d’une population donc, des effets possibles même à faible dose. Les perturbateurs endocriniens sont suspectés d’agir de même. » *ANSES
Quels produits contiennent des perturbateurs endocriniens, au final ?
On retrouve des perturbateurs endocriniens dans une grande partie de produits du quotidien (ameublement, textiles, jouets, vêtements, et aussi l’alimentation), comme par exemple
- des phtalates, ou le bisphénol A utilisés dans les matières plastiques
- des pesticides dans l’alimentation*
- Des composants dans les cosmétiques (certains parabens, triclosan, des filtres UV, alkylphénols , BHT, BHA et aussi certains PFAS, polluants éternels)
- des composés organochlorés (DDT, chlordécone…) utilisés dans les phytosanitaires,
- des retardateurs de flammes (que l’on retrouve par exemple dans des meubles neufs)
*l’association Générations Futures fait un travail remarquable de mobilisation collective contre les pesticides et mérite notre soutien
Exemple de perturbateurs endocriniens dans un produit de maquillage, mascara Yves Saint Laurent.
Et les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques ?
Dans les cosmétiques, on peut retrouver des perturbateurs endocriniens (avérés ou confirmés) par exemple dans les segments suivants :
- Colorations pour cheveux
- Crèmes & lotions (visage, corps, etc)
- Solaires
- Déodorants
- Maquillage
- Hygiène dentaire
- Parfums
- Produits pour Enfants & Bébés
etc
Perturbateurs Endocriniens * & Cosmétiques *(suspectés ou avérés)
à titre d’exemples liste non exhaustive ! les différents INCI peuvent se retrouvent dans différentes catégories ! |
INCI | catégories de produits | autorisés en Europe ? |
Certains conservateurs de synthèse |
|
Tous produits cosmétiques | oui, en partie avec restrictions |
Certains filtres UV de synthèse |
|
produits solaires, crèmes visage, maquillage | oui, en partie avec restrictions |
Certains agents d’entretien de la peau (soin) |
|
Crèmes, lotions etc | oui, en partie avec restrictions |
Certains silicones |
|
Tous produits cosmétiques | oui, en partie avec restrictions |
Certains colorants capillaires ou additifs divers |
|
colorations + produits capillaires, maquilage, vernis | oui, en partie avec restrictions |
Certains agents parfumants (ou additif de parfums) |
|
parfums, autres produits | oui, en partie avec restrictions |
* SOURCES : ECHA /EDLIST/ EWGSkinDeep + autres sources indépendantes
Il s’agit d’une une liste…. parfaitement…. incomplète, car de nombreuses substances sont en cours d’évaluation ou sont pointées du doigt par la communauté scientifique. Inutile donc de l’apprendre par coeur, car d’autres substances se rajouteront certainement à la liste des substances controversées ou pré-occupantes dans les années à venir -en fonction des recherches scientifiques, notamment. Les différents ingrédients peuvent se retrouver bien entendu dans la plupart des catégories de produits
********
Les perturbateurs endocriniens : problématiques pour tout le monde ?
Les perturbateurs endocriniens représentent une problématique pour TOUS, mais les femmes enceintes, les fœtus, les enfants ou encore les personnes dont le système immunitaire est affaibli sont les personnes les plus à risques. Il est important de noter par exemple que l’exposition d’une femme enceinte à des perturbateurs endocriniens pourra avoir des répercussions sur la santé de son enfant, même si les effets ne se déclarent que plusieurs années après la naissance.
En 2016, une étude de Santé Publique France avait confirmé la présence de traces de perturbateurs endocriniens chez quasiment toutes les femmes enceintes testées au cours d’une vaste enquête, la première de cette ampleur en France sur ces substances.
Des études officielles
« L’étude, publiée mercredi 7 décembre 2016 par Santé publique France, a mesuré la présence de divers polluants organiques dans les urines de plus de 4.000 Françaises ayant accouché en 2011. Résultat : « le bisphénol A, les phtalates, les pyréthrinoïdes (famille d’insecticides), les dioxines, les furanes, les PCB, les retardateurs de flamme et les composés perfluorés » sont détectés « chez près de la totalité des femmes enceintes », explique l’agence française de santé publique, mandatée par le ministère de la Santé pour cette enquête. Par exemple, le bisphénol A était présent chez plus de 70 % des participantes, les phtalates chez 99,6 % d’entre elles, les dioxines, furanes et PCB ont été détectés dans… 100 % des cas ! »*
Une autre étude de Santé Publique France
Et une autre étude de 2019 de Santé Publique France montre également que six «polluants du quotidien» (dont les perturbateurs endocriniens font partie) «sont présents dans l’organisme de tous les Français» .
Santé publique France a mesuré les niveaux d’imprégnation de la population française par six familles de substances présentes dans l’environnement et cherché à identifier les sources d’exposition probables – produits ménagers, cosmétiques, emballages alimentaires, etc. Les mesures ont été réalisées entre 2014 et 2016 sur un échantillon représentatif de la population générale, composé d’environ 1.100 enfants et 2.500 adultes habitant en France continentale. Certaines substances sont considérées comme des perturbateurs endocriniens ou des cancérogènes avérés ou suspectés »
En ce qui concerne les produits cosmétiques, on retrouve malheureusement encore trop de substances préoccupantes (perturbateurs endocriniens et autres substances controversées), même dans les produits pour femmes enceintes, enfants ou tout-petits, comme le démontrent les différents tests produits du site
Pourquoi ne pas interdire les perturbateurs endocriniens, tout simplement ?
D’une part, il n’existe pas de définition règlementaire européenne commune, même si de nombreux efforts ont été mis en place depuis 2017. Et surtout, entre les premières mises en gardes scientifiques et les interdictions de substances (que ce soit au niveau des composants cosmétiques ou des pesticides, par ailleurs) il peut se passer… plusieurs années. D’une part parce qu’il s’agit de processus administratifs lourds et complexes et d’autre part aussi parce que l’industrie concernée s’y opposera par tous les moyens (=Lobbying). L’encadrement des substances chimiques est régi par le règlement REACH qui s’applique sans transposition dans tous les États membres de l’UE. Il prévoit que les substances possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et « présentant un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR (cancérigène – mutagène – toxique pour la reproduction) », puissent être identifiées comme des substances extrêmement préoccupantes, et ainsi être inscrites sur la liste des substances soumises à autorisation.
La règlementation en France
Depuis le 12 avril 2024, les industriels sont obligés de préciser la présence de perturbateurs endocriniens (avérée, présumée ou suspectée) dans les produits du quotidien.
Depuis 2024, il existe aussi en France une liste aussi une liste officielle de perturbateurs endocriniens «suspectés», «présumés», «avérés», établie par l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) et repérables par une application Scan4chem qui regroupe les informations sur la présence de l’ensemble substances extrêmement préoccupantes définies par l’Anses.
Mais cette liste étant très limitée, elle ne prend pas forcément en compte ni l’ensemble des interprétations des substances à risques au niveau international... ni la question du délai des interdictions de substances chimiques à risque en Europe, par exemple.
La question épineuse des délais d’interdictions
D’après vous, quel est le délai moyen d’interdiction d’une substance chimique toxique, polluante our controversée en Europe ?
3 ans, 5 ans, 10 ans ? Réponse : 19 ans…
L’année dernière, le Bureau européen de l’environnement (EBB) a constaté qu’il fallait en moyenne 19 ans et trois mois aux autorités de l’UE pour restreindre un produit chimique, alors qu’une entreprise peut obtenir une autorisation de mise sur le marché en trois semaines.
Le EBB est le plus grand regroupement et réseau européen d’associations pour l’environnement. (180 organisations membres de 40 pays). Le BEE défend le développement durable, la justice environnementale et la démocratie participative.
Il suffit de regarder le ballet incessant de « restrictions- interdiction- ré-autorisation » d’une substance avéré cancérigène et génotoxique comme le glyphosate, par exemple.
La règlementation en Europe
Au niveau Européen, la liste officielle disponible sur le site de l’ECHA est régulièrement mise à jour et concerne les substances potentiellement considérées comme perturbateurs endocriniens en cours d’évaluation ou déjà évaluée:
Cadre règlementaire : plus d’informations au sujet également sur le site du INRS:
A ce jour, l’absence de réglementation spécifique applicable aux perturbateurs endocriniens, s’explique par l’absence de définition réglementaire commune et officielle à l’ensemble de la législation européenne. En effet, une définition réglementaire européenne a été adoptée en septembre 2017, pour les perturbateurs endocriniens utilisés comme principes actifs biocides (règlement délégué n° 2017/2100 du 4 septembre 2017) puis en avril 2018 pour ceux utilisés comme pesticides (règlement 2018/605 de la Commission du 19 avril 2018). Toutefois, à ce jour, cette définition n’a pas encore été reprise dans le cadre des autres règlements européens relatifs aux produits chimiques (REACH et CLP)
Une initiative commune au niveau de l’Europe
Depuis 2020 il existe également une nouvelle initiative européenne, un site européen pour recenser les perturbateurs endocriniens appelée ED LIST. Cinq Pays Européens se sont regroupés pour créer un site destiné à établir une liste des substances perturbateurs avérées ou suspectées. Mis en ligne 2 juin 2020, le site edlists.org répertorie la liste des substances reconnues comme étant des perturbateurs endocriniens dans la règlementation européenne sur les produits chimiques. Ce site est le résultat d’une coopération entre la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède, et la France.
Et les substances classées CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la réproduction), alors ?
Dans certains cas, des substances « interdites » (dont font partie certains perturbateurs endocriniens) peuvent faire l’objet de dérogations… et restent donc en circulation, comme le précise par exemple aussi la FEBEA, fédération de l’industrie des cosmétiques.
« Selon le Règlement européen cosmétique (n° 1223/2009), les substances CMR sont interdites en cosmétique « en raison de leurs propriétés dangereuses ». Toutefois, étant donné qu’une propriété dangereuse d’une substance n’entraîne pas nécessairement un risque, il existe des cas exceptionnels où ces ingrédients peuvent être utilisés. Par exemple, une substance classée dans la catégorie 2 peut être utilisée dans des produits cosmétiques si elle a été évaluée par le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) et que celui-ci l’a jugée sûre pour l’utilisation dans les produits cosmétiques. De même, les substances CMR de catégorie 1A ou 1B peuvent être employées dans les produits cosmétiques si elles sont en conformité avec les exigences de sécurité alimentaire, s’il n’existe aucune autre substance de substitution appropriée et si le SCCS a considéré leur utilisation pour un usage déterminé comme sûr. »
****************
Et les huiles essentielles ? Perturbateurs ou pas ?
On entend parfois parler d’huiles essentielles qui seraient également concernées en tant que perturbateur endocrinien, qu’en est -il ?
Il existe bien entendu des plantes ou huiles essentielles ( = issues de plantes) qui ont des actions reconnues sur le système hormonal. Ces propriétés sont identifiées depuis des lustres et c’est d’ailleurs, entre autre, la raison pour laquelle on va les utiliser. C’est le cas de l’huile essentielle de sauge, par exemple. Ce qui veut dire aussi que ces plantes ou huiles essentielles sont accompagnées de restrictions d’utilisation, les huiles essentielles de sauge ou de menthe poivrée, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, sont notamment à prescrire pendant la grossesse. Ces plantes ou huiles essentielles seront donc utilisées dans des cadres thérapeutiques bien spécifiques. Concernant d’autres études au sujet des huiles essentielles, le Consortium Huiles Essentielles est une source d’information précieuse.
Une distinction importante entre huiles essentielles et perturbateur endocrinien
La problématique des perturbateurs endocriniens est différente : il s’agit de substances avec des propriétés ou fonctions bien spécifiques (conservateur, pesticide…etc) qui interfèrent « accessoirement » aussi de manière importante avec le système hormonal. Et dépassent ainsi leur fonction primaire.
Comment éviter les perturbateurs endocriniens au quotidien, alors ?
On le soulignera jamais assez, la problématique ne concerne pas QUE certains composants cosmétiques, mais une grande partie de nos objets du quotidien et de notre alimentation. Éviter les pesticides dans l’alimentation, en favorisant l’agriculture biologique, va déjà dans ce sens.
Mais ce sont réellement nos choix de consommation, au quotidien, qui permettront déjà d’éviter de rajouter des perturbateurs endocriniens à ceux déjà présents sur le marché.
****
Cosmétiques : quels sont les perturbateurs endocriniens à éviter ?
Vous voulez en savoir plus sur la question des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques ?
Le premier module d’accompagnement proposé par le site est désormais disponible !
« Comment éviter les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques ? »
Cette option est disponible en auto-apprentissage et vous permettra d’approfondir le sujet et trouver des réponses à vos questions en tant que consommateur. Le module regroupe les informations sur ce qu’il faut savoir sur les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques. Et propose surtout des pistes pour diminuer notre exposition.
Ce module répondra, entre autre, aux questions suivantes
- Comment agissent les perturbateurs endocriniens ?
- Perturbateur endocrinien : qu’est-ce que c’est, exactement ?
- Où est la liste perturbateurs endocriniens ?
- Les différents perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques
- Comment limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens ?
- Quels sont les produits qui contiennent des perturbateurs endocriniens ?
- Quels sont les perturbateurs endocriniens à éviter en cosmétique ?
- Quels sont les perturbateurs endocriniens les plus fréquents en cosmétique ?
***
SOURCES
- OMS : https://www.who.int/publications/i/item/9789241505031
- SANTE PUBLIQUE FRANCE : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/articles/que-sont-les-perturbateurs-endocriniens
- TEDX EN : https://endocrinedisruption.org/interactive-tools/tedx-list-of-potential-endocrine-disruptors/search-the-tedx-list
- GENERATIONS FUTURES : https://www.generations-futures.fr/publications/perturbateurs-endocriniens/
- ED LIST / https://edlists.org/?fbclid=IwAR2St_mumKgzevj5MR81QucYxiHD1KMaMD5D0KQ_trDrKolyriZoIgLzKOQ
- ECHA : https://echa.europa.eu/fr/ed-assessment
- DANISH Ministry https://i2.cdn.turner.com/cnn/2016/images/04/14/978-87-93352-82-7.pdf
- CANCER ENVIRONNEMENT : https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/perturbateurs-endocriniens/
- CHEMTRUST : https://chemtrust.org/
Précisions : l’article date de 2020, mais sera mis à jour régulièrement.
Ces articles pourraient aussi vous intéresser :
- Dioxyde de titane et cosmétiques, d’où vient la controverse ?
- Les Trois Points de Suspension : Benzophénone, Lyral (HICC) et Zinc Pyrithione (ZPT)
- PFAS « Les Polluants Éternels » : une problématique qui concerne également les cosmétiques
- Les Trois Points de Suspension : Oxybenzone, Triclocaraban et Pentafluoropropane